Carnet de route

Raid Maurienne
Le 28/03/2025 par Pascal R
Le CAF St Gervais c’est un peu comme les voies du Seigneur ; impénétrables mais à tout problème il y a une solution. Rêvant d’un Otztal qui s’est dérobé nous nous retrouvons à 12 ce mercredi en Haute Maurienne, à la recherche du soleil, de la bonne neige et de grands espaces. Deux reines et leurs dix serviteurs, pas en colère du tout malgré un manque de parité évident, répondant aux noms de Clémence, Katarina, Camille, Cyprien, David, Frédéric, Jean François, Jean Noël, Laurent, Luc, Pascal et Rodolphe. La météo est redevenue optimiste, les refuges sont réservés, tout le monde est à l’heure au rendez-vous, tout va bien.
Le premier jour est consacré à se rendre à Bonneval sur Arc avant de monter au refuge des Evettes. Le départ ayant été relativement matinal et la route longue et monotone, une petite pause-café/croissants à l’hôtel de la Vieille Poste réveille tout le monde , chauffeurs compris. Arrivés fringants à Bonneval les peaux sont mises sur les skis de suite et le « raid » commence. Remontée de la route de l’Ecot en compagnie des promeneurs, puis des pentes plus ou moins soutenues qui amènent au col des Evettes où nous avons droit à la démonstration par Camille (le professeur) et Cyprien (le pendu) des différentes méthodes de sauvetage en crevasse et de mouflage ; mouflage de fond en Z, Mariner simple et Mariner double . Tout le monde ayant écouté nous obtenons le droit à la pause déjeuner. Encore quelques mètres dans la polenta et c’est une arrivée en début d’après midi au refuge, dont nous « prenons » possession sans tarder. Il est annoncé complet ce soir.
Le deuxième jour s’annonce plus costaud. A sept heures le ciel est au grand bleu avec un peu de vent d’est. Il fait bien froid sur le Plan des Evettes. Il y a du monde mais les groupes se dispersent en fonction des destinations. Plus on monte et plus les gnoles arrivent, pour finir par recouvrir notre Albaron. Mais ce n’est pas l’objectif du jour. Arrivés à la selle, dans le brouillard, on se décorde pour attaquer la descente du glacier du Gias (du moins ce qu’il en reste). La visibilité revient plus bas. Sur le plan en dessous le groupe se scinde en deux. Six « furieux » suivent Cyprien pour faire la grande boucle autour de la Bessanese, en passant par le refuge Bartolomeo Gastaldi (pas encore ouvert) et la longue remontée du col d’Arnès. Quatre, moins courageux (ou plus avisés en prévision du lendemain), suivent Camille pour remonter le Passage du Colerin, plus raide mais beaucoup plus court. Pour les premiers, pas le temps de chômer. Pour les derniers ce sera la pause sur un mamelon près des Audras, à admirer l’Albaron qui nous fait la grâce de se découvrir, mais plus encore l’extraordinaire arête nord de la Bessanèse, toute en festons et dentelles. L’été quand elle est sèche c’est une course longue, engagée, très peu parcourue, bien que soi-disant (Ref CTC) de difficulté technique peu élevée. Au printemps quand la neige ourle les crêtes c’est une toute autre histoire. Quel élan !
Tout le monde se retrouve au refuge d’Avérole pour la deuxième nuit, plus ou moins fatigué. Il y a de l’eau, nous avons un dortoir « privatif », le souper est bon, l’équipe avenante. Par contre le règlement c’est le règlement, on ne badine pas avec ça.
Le troisième est le grand jour ; summit day ! 1200 mètres de remontée plein sud nous attendent sous un ciel tout bleu et dans une chaleur écrasante pour arriver jusqu’à la traversée sous la table. Là l’exposition change, il y a un peu d’air , il commence même à faire frais. Les 200 derniers mètres sont plus faciles. Dépose des skis au pied des rochers et aller/retour sur la table, une vingtaine de mètres encordés à la montée, faciles mais exposés, un rappel à la descente. Cyprien sauvera une cordée extérieure , peu prévoyante et mal équipée, qui s’était retrouvée bloquée. Trois d’entre nous se dévoueront pour rester sous la table et éviter à l’un de nos guides de faire une deuxième rotation. Vue grandiose ; Rocciamelone versant pointu, l’imposant Charbonnel, Méan Martin qui parait bien petit, l’immense barre de la Grande Casse derrière, la Grande Motte, l’Oisans avec les Ecrins et la Meige, les Aiguilles d’Arves, le Mont Pourri, le Mont Blanc, les Grandes Jorasses, le Cervin, la plaine du Pô jusqu’au Viso. Toutes proches la Ciamarella, à peine plus haute et la Bessanèse à peine plus basse. Exceptionnel.
La descente par le glacier du Vallonet « Supérieur » restera comme une descente d’anthologie ; neige poudreuse, grandes combes suspendues, étroit goulet vers le bas avec quelques variantes plus ou moins pentues, retour vers les pistes par une jolie bédière et déchaussage en face des voitures.
Voilà ce qui restera de ce raid. Trois belles journées, exigeantes mais de grande classe. Une belle équipe, solidaire et attentionnée. Enfin bravo à Camille et Cyprien qui ont su rebondir au dernier moment pour trouver le bon créneau géographique, météorologique et nivologique. Du grand art !